Avec le peuple libanais
Pour l’amour de Beyrouth

Livre collectif (sous la direction de Sarah Briand)
Le 4 août 2020, 18 h 07.
Le cœur de Beyrouth a explosé. Et nos cœurs avec.
Tous les Libanais ont été choqués. Certains ont perdu des proches, d’autres, nombreux, leur maison, mais pas leur courage.
Trente-cinq personnalités – artistes et écrivains libanais et français – ont accepté de raconter leur Beyrouth et le lien intime qu'elles entretiennent avec cette ville, qui ne laisse pas indifférent lorsqu’on a la chance de la connaître. En un mot, l’âme de Beyrouth, capitale aux multiples facettes.
Aujourd'hui, Beyrouth a besoin de nous, besoin de vous.
Pour que Beyrouth, tel le phénix, renaisse une nouvelle fois de ses cendres.
Deux euros par ouvrage sont reversés à l’association OffreJoie, qui travaille à la reconstruction de la ville et panse les traumatismes de ses habitants.
Charif Majdalani, auteur de « Beyrouth 2020 - Journal d’un effondrement »

Le 27/09/2020 sur France Culture
Extraits :
[avec le livre « Beyrouth 2020 »] ce sont vraiment mes débuts de diariste. Je l’ai commencé la veille du 1er juillet 2020, j’avais envie d’écrire un récit un peu lent, quelque chose qui serait comme "Les Travaux et les jours" par temps d’effondrement, un peu comme Pascal Quignard avait écrit "Les tablettes de buis d'Apronenia Avitia" au temps de l’effondrement de l’empire romain… Mais ce journal n’a rien d’intime. Je voulais raconter mon expérience en tant qu’acteur-spectateur de la manière dont les Beyrouthins continuent à sortir le soir, à travailler, à être pris dans les embouteillages, à vivre, et en même temps, comme de ce délitement complet, à vue d’œil, d’un pays, d’un état. Cela ne pouvait pas avoir un caractère intime, c’était comme le récit d’un grand naufrage ...
Cette explosion qui nous a plongés dans une profonde sidération est une chose terrible mais finalement on ne peut pas s’étonner qu’elle ait eu lieu. Elle est démesurée, monstrueuse mais elle est à la mesure de trente années invraisemblables de corruption, de mauvaise gouvernance et d’arrogance de la classe politique. On pouvait penser que cette catastrophe serait lente, qu’elle prenait la forme d’une crise économique et politique, en fait elle s’est avérée brutale, elle a pris 5 secondes …
J’ai toujours été un optimiste, j’ai envie de dire "Oui, on va se resaisir, on va recommencer", mais c’est très difficile, le traumatisme est tellement violent, la caste politique est tellement enracinée, elle tient tellement à son pouvoir qu'on a l’impression qu’elle ne le cédera qu’en ruinant définitivement le pays. Je sais que la force de vie reste, et triomphe toujours des forces de mort. Mais là on est vraiment dans une période sinistre. On s’en sortira, mais je ne le dis pas avec une conviction venue du fond des tripes. Je pense qu’il faut s’en sortir, il faut que nous travaillions à le faire, mais ça va être très très dur.
"Unis pour le Liban"
Le quotidien L'ORIENT - LE JOUR publie un compte rendu du concert initié par France 2, le 1 octobre 2020, en faveur du Liban
Le concert sur France 24
Soutenir la reconstruction des bibliothèques publiques de Beyrouth

Appel de l'ASSABIL
Assabil (Les amis des bibliothèques publiques), l'organisation non gouvernementale en charge de trois bibliothèques publiques de Beyrouth dévastées lors de l'explosion qui a dramatiquement secoué la capitale du Liban le 4 août dernier, a lancé un appel à soutiens et à financements pour reconstruire et la réhabiliter les trois établissements.
L'accident a causé de sérieux dommages aux bibliothèques, mais aussi aux musées, aux écoles ou aux librairies. Vitres et portes soufflées par la détonation ou encore bureaux et câbles électriques démolis, l'Assabil réclame pour les bibliothèques 55000 dollars pour tout reconstruire. Ce sont annuellement 35000 visiteurs qui se rendent dans ces établissements aujourd'hui fermés.
Dans un communiqué, Gerald Leitner, le président de l'Ifla (International federation of libraries association) a déclaré : "Les espaces offerts par les bibliothèques ainsi que le patrimoine culturel du Liban et de la ville de Beyrouth qu’elles sauvegardent joueront un rôle important dans la restauration de l’esprit de la ville"... "Ensemble, ces derniers jouent un rôle important dans le rapprochement des communautés, la reconstruction et le retour à une vie normale en ces temps les plus difficiles".
Solidarité avec le peuple libanais

Accident, corruption, récupération, "Thaoura"
Le 21 septembre 2001 à 10 h 17 à Toulouse, un stock d’environ 300 à 400 tonnes de nitrate d'ammonium, déclassé et destiné à la production d’engrais, explose, creusant un cratère de forme ovale de 70 m de long et 40 m de largeur, et de 5 à 6 m de profondeur. La détonation est entendue à plus de 80 km de Toulouse. Un séisme de magnitude 3,4 est enregistré. Pertes humaines : 31 morts et 2500 blessés. Le , soit plus de seize ans après les faits, l'ancien directeur de l'usine AZF Serge Biechlin est condamné à quinze mois de prison avec sursis et la société Grande Paroisse à une amende de 225 000 euros
Le 4 août 2020 à 18h07 à Beyrouth, un stock d’environ 2500 tonnes de nitrate d'ammonium, "oublié" sur le port, explose, creusant un cratère de 40 m de profondeur. L'onde de choc a été ressentie à Chypre soit à plus de 230 kilomètres. Un séisme de magnitude 3,3 est enregistré. Pertes humaines : près de 200 morts et disparus, 6000 blessés et 300 000 sans abris. Des responsables de la douane libanaise et du port ont été arrêtés.
Dans les deux cas, l'incompétence et le mépris des plus élémentaires précautions face aux risques industriels sont patents. Au Liban s'y ajoute une corruption généralisée d'une classe politique mafieuse qui met en coupe réglée le pays.
Les dirigeants de plusieurs pays (dont la France et l'Europe) se regroupent dans "un club des donateurs". Elles font mine de découvrir la corruption du régime libanais, alors que depuis des années ces "donateurs" soutiennent leurs poulains dans les différentes factions libanaises.Une aide de 253 millions d’euros va être distribuée (pour des dégâts évalués provisoirement entre 12 et 15 milliards d’euros), mais à qui : au gouvernement, aux banques, à l'armée...? Des fonds pour reconstruire un Liban démocratique ou un Liban confessionnel, nostalgique de l’époque mandataire française ?
, mais à qui : au gouvernement, aux banques, à l'armée..?
Des fonds pour reconstruire un Liban démocratique ou un Liban confessionnel, nostalgique de l’époque du mandat français ?
Des manifestations, un temps interrompues à cause de la COVID 19, ont repris à Beyrouth et le slogan "Thaoura" retentit à nouveau. Le 10 août l'ensemble du gouvernement libanais a démissionné et a promis de nouvelles élections législatives. Les éditorialistes et surtout la rue s'interrogent sur l'opportunité de nouvelles élections dans la situation actuelle.
Premières informations
Pour marquer votre solidarité directement :
- Impact Lebanon
- 6 ONG (dont Médecins du Monde)
- Le Secours populaire
- Le Secours catholique
- La croix Rouge
Pour y voir plus clair dans le système politique libanais :
- Aux origines du système communautaire libanais
- Législatives anticipées : une brèche... en attendant la victoire
Des journalistes, des écrivains et des artistes témoignent :
- Nettoyer enfin les écuries d’Augias (Emilie Sueur)
- Beyrouth, mardi 4 août, 18 h 07 (Charif Majdalani)
- Le choc (Dominique Eddé)
- Gemmayzé lance un SOS pour la protection de ses demeures historiques dévastées
- Que vive le Liban des Lumières ! (150 intellectuels signent une tribune)
- La « joie de vivre » assassinée (Krystel el-Adem)
- Un hommage, en paroles et musique, à Beyrouth sinistrée
- Au Liban, les gens contestent, protestent, mais n’ont aucune vision de l’avenir (Jamil Mouawad)
- Une semaine plus tard … (Nadine Chéhadé)
Paroles de manifestants :
Les vivants et les morts

Un article de Georgia Makhlouf paru dans L'ORIENT Littéraire, numéro spécial septembre 2020
Comment en parler ? Comment trouver les mots pour dire cette barbarie ?
Le terme barbare, les Grecs l’utilisaient pour désigner les peuples n’appartenant pas à leur civilisation, ceux dont ils ne parvenaient pas à comprendre la langue parce qu’ils baragouinaient de façon confuse, s’exprimant par onomatopées : bar-bar-bar...
Nous non plus ne parlons pas la même langue qu’eux. Ne parvenons pas à comprendre les rares sons qui sortent de leurs bouches. Car ils baragouinent dans une langue rudimentaire, répétitive, pleine de syntagmes figés, d’expressions usées jusqu’à la corde. Ils répètent des mots qui ont perdu leur sens depuis longtemps et que nous ne comprenons plus. Ou bien est-ce plutôt que nous comprenons avec effarement que nous sommes en dehors de cette langue-là, que nous n’avons plus de langue commune avec eux, qu’un mur infranchissable nous sépare d’eux, que nous ne vivons plus dans le même pays, ni dans la même culture....
LesVivantsEtLesMorts-GM [57 Kb]
Le dernier chant d’Adjoua

Un article de Salma Kojok paru dans L'ORIENT Littéraire, numéro spécial septembre 2020
C’est mon dernier souvenir avant l’explosion, le chant d’Adjoua sur le balcon.
Mardi 4 août, la lumière d’après-midi déroule sa douceur dans un camaïeu d’ocres. J’entends un air chanté, passe la tête par la fenêtre. La voix provient de l’immeuble en face. Je reconnais la silhouette d’Adjoua. Elle chante en dioula mêlé de français-nouchi, comme dans les faubourgs d’Abidjan. La mélodie glisse dans les bruits de Beyrouth entre le vacarme des camions et le vrombissement des générateurs d’électricité. Je m’installe sur la chaise du balcon. Adjoua sait que je l’écoute. Demain, elle quitte le Liban. C’est comme un chant d’adieu, le don de sa voix avant le départ. Elle m’a annoncé sa décision samedi dans l’épicerie d’Abou Toufic....
Les écrivains prennent la parole
Lettre à mes amis libanais

Après son séjour à Beyrouth, en novembre 2019, Catherine Malard nous fait part de sa découverte du "nouveau" Liban qui émerge sous nos yeux. (Lettre du 6 décembre 2019)
"Vous m’aviez conviée au Salon du livre francophone mais à cause des « évènements », le Salon fut annulé. Etrange comme vous reprenez cette expression qui, de 1975 à 1990, recouvrait la tragédie de la guerre civile. Les gens de ma génération comme les plus âgés l’ont encore en mémoire, nous Français si liés à votre pays par les liens de l’histoire. Maintenant, vous dites de nouveau « les évènements » pour nommer la révolte sans précédent qui galope du nord au sud, ponctuée de « thaoura - thaoura » (1), l’exaltante formule que scandent des milliers de Libanais de Tripoli jusqu’à Tyr, de Baalbek jusqu’à Nabatiyeh, en passant par Zahlé. « Il y a mieux que le Salon du livre, le Salon de la révolution bat son plein dans les rues. On file place des Martyrs » (2), lance Elias, à ma descente d’avion, samedi 9 novembre.
Depuis 1992 que je fréquente le Liban pour des missions de formation à l’Université, je n’avais jamais entendu vos langues se délier à ce point. Jamais vous n’avez parlé comme vous le faites actuellement, …"
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1) Révolution
(2) Une des places du centre ville de Beyrouth avec la place Riad Al Solh, proches du Sérail (siège du parlement)
La révolution libanaise vue par…

Dans l’Humanité du 11 et du 12 décembre, quatre écrivain.e.s racontent les mobilisations exceptionnelles qui ont traversé le pays. L’irruption des femmes, la fin du confessionnalisme, l’idée de nation, la langue comme outil émancipateur, la liberté retrouvée…
À l’initiative de Georgia Makhlouf, qu’elle en soit ici remerciée, Elias Khoury, Joumana Haddad et Najwa Barakat ont offert à l’Humanité des textes d’un souffle salutaire. Retrouvez-les dans leur intégralité dans l’Humanité des 11 et 12 décembre.
Liban: causes et perspectives de la révolte

Article de Julien Théron, Chercheur associé au CAREP Paris (30/10/2019)
Le mouvement de protestation a pris comme un feu de paille, suite à la proposition de Mohammad Choucair, ministre des Télécommunications, de taxer quotidiennement l’usage des messageries électroniques. Dans un pays où l’absence de services publics est criante, la mesure a été fraîchement accueillie et a cristallisé autour d’elle une contestation bien plus large de l’action de la classe politique, exécutif et législatif mélangés, qui se partage le pouvoir par communautés religieuses selon les clauses de l’accord de Taëf, conclu à la fin de la guerre civile, en 1989...
L'Orient Littéraire

Créé à Beyrouth en 1929 par le poète Georges Schéhadé, repris en 1955 par Salah Stétié, puis en 2006 par Alexandre Najjar, L'Orient littéraire est aujourd'hui le supplément littéraire du quotidien libanais francophone L'Orient-Le Jour.
Il paraît le premier jeudi de chaque mois et est également consultable en ligne.
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