"Gilets jaunes"
Du cap aux grèves - Récit d’une mobilisation. 17 novembre 2018 – 17 mars 2020

Livre de Barbara Stiegler
Malgré le naufrage et la multiplication des alertes, le cap est à ce jour inchangé : c’est l’adaptation de toutes les sociétés au grand jeu de la compétition mondiale. Une marée de gilets jaunes a pourtant surgi sur le pont, bientôt rejointe par d’innombrables mutineries pour défendre les retraites, l’éducation et la santé. Reste, pour aller du cap aux grèves, à conjurer l’obsession du programme et du grand plan, qui paralyse l’action. Et à passer de la mobilisation virtuelle des écrans à la réalité physique des luttes et des lieux.
À travers le récit de son propre engagement, Barbara Stiegler dit la nécessité de réinventer notre mobilisation là où nous sommes, en commençant par transformer les endroits précis et concrets de nos vies.
Le rond-point de Saint-Avold - Nous, Gilets jaunes, nos premiers 600 jours

Livre collectif
Le rond-point de Saint-Avold, ville mosellane en Lorraine, est le véritable héros en gilet jaune de ce livre.
Fait de bouts de papier, de photos et de souvenirs rassemblés, il a été écrit à une centaine de mains. Dans l’esprit Gilet jaune, personne ne se met en avant, c’est le « nous » qui parle. Des points forts comme des points faibles, des défauts comme des qualités. On lira les espoirs et les déconvenues, les sympathies et les solidarités qui se nouent, on apprend et on comprend. Et on se met à imaginer : et si… Il y a un message politique fort dans cet ouvrage, mais chacun·e reste libre d’en tirer ses propres conclusions.
Une chose est sûre : l’humanité est l’encre de ce récit, celle qui devrait nous guider pour penser le monde.
Cinq mains coupées

Livre de Sophie Divry
« Je m’appelle Gabriel, j’ai 22 ans. Je m’appelle Sébastien, j’ai 30 ans. Je m’appelle Antoine, j’ai 27 ans. Je m’appelle Frédéric, j’ai 36 ans. Je m’appelle Ayhan, j’ai 53 ans. C’était le samedi 24 novembre. C’était le 1er décembre. C’était le 8 décembre. C’était à Bordeaux. C’était à Tours. C’était place Pey-Berland. C’était place Jean-Jaurès. C’était sur le boulevard Roosevelt dans le XVIe arrondissement. Ça s’est passé le 9 février devant l’Assemblée nationale, à Paris. »
Dans ce livre, pas une phrase n’est de Sophie Divry. Toutes sont issues d’entretiens réalisés entre septembre 2019 et février 2020 avec les cinq manifestants mutilés de la main lors du mouvement des Gilets jaunes. Ils étaient tous droitiers, ils ont tous perdu la main droite. Il travaillait à l’usine, il amarrait des bateaux, ils étaient plombier, étudiant ou apprenti chaudronnier. Un samedi de manifestation, leur main a été arrachée par une grenade bourrée de TNT, et leur vie n’a plus jamais été la même.
Chacun a raconté son histoire à l’autrice, qui en a fait un choeur.
Parce que c’est une seule et même histoire, celle de manifestants démembrés alors qu’ils formaient un même corps.
Gilets jaunes : 10 romans annonciateurs de la crise

Le magazine TELERAMA a sélectionné dix romans récents permettant d’éclairer les causes et les enjeux du mouvement social des Gilets jaunes.
"Le mouvement des Gilets jaunes a fait surgir sur nos écrans des visages et des corps qui en étaient en grande partie exclus. Un bout de France, pourtant majoritaire, largement invisibilisé par les médias et la culture. Le roman français, pourtant, leur a consacré ces dernières années de belles pages dans des récits sociaux proches parfois de l’actualité, toujours de la réalité. Ecrivains et écrivaines se sont attelé et s’attachent encore à observer les mécanismes de la violence sociale, à sonder le malaise des territoires français, à exprimer la colère et la détresse de leur population et à imaginer l’issue souvent tragique qu’elles pourraient trouver. En voici dix dont les histoires d’abandon, de domination ou d’insurrection font largement écho à la situation que traverse actuellement le pays."
- L'article de Télérama (13/12/2018)
- Arras : un premier mai qui pense et qui bruisse (dans EN ATTENDANT NADEAU)
Plein le dos, 365 gilets jaunes

Livre collectif
Depuis novembre 2018, le gilet jaune est devenu l’emblème de la lutte, son talisman. Il donne de la force à celles et ceux qui le portent, et des cauchemars au gouvernement. Au dos du gilet, chacun, chacune, raconte la survie quotidienne, le travail, la violence policière, les espoirs de changement, de révolution. Des blagues, des insultes, des chansons, des citations aussi. Une culture populaire, fière et fraternelle, s’affirme face à l’exploitation ordinaire et au mépris de classe.
Ce livre propose une sélection de 365 dos de gilet. Il a vu le jour grâce au collectif Plein le dos, qui recueille des milliers de photographies depuis le début du mouvement. Les bénéfices seront reversés à des caisses de solidarité avec les blessé.e.s et les inculpé.e.s.
[Recension sur le site EN ATTENDANT NADEAU]
PleinLeDos [189 Kb]
Dernière sommation

Livre de David Dufresne
Dans le Paris de l’insurrection, un enquêteur indépendant : Étienne Dardel.
Une jeune réalisatrice, Vicky, qui tombe aux marches de l’Assemblée nationale.
Sa mère, sur un rond-point du Tarn, passée du Parti socialiste au Rassemblement national.
Le directeur de l’Ordre public, un républicain qui veut croire en la police.
Place Beauvau, un ministre qui tweete et qui tangue.
Et tout un monde qui traverse Dernière sommation comme un tableau vivant : garde du corps incontrôlable, street medic courageuse, président assiégé, policiers en roue libre, éditorialistes compromis, entre mensonges et raison d’État.
Le grand roman de l’insurrection, tout en urgence et en modernité.
Le premier roman de David Dufresne
Jojo, le gilet jaune

Livre de Danièle Sallenave
Il y a ce que disent les Gilets jaunes. Il y a surtout ce qu’ils révèlent. Cette manière de parler d’eux, dans la presse, les médias, les milieux politiques, sur les réseaux sociaux ! Une distance, une condescendance, un mépris.
Au miroir du mouvement des Gilets jaunes, l’élite politique, intellectuelle, culturelle a laissé voir son vrai visage. Début janvier 2019, le président promet d’éviter ces « petites phrases » qui risquent d’être mal interprétées, mais il rechute aussitôt. Les médias ne devraient pas, dit-il, donner sur leurs antennes « autant de place à Jojo le Gilet jaune qu’à un ministre ».
Ainsi se révèlent l’étendue et la profondeur de la fracture qui sépare les « élites » des « gens d’en bas ». Fracture géographique, économique, politique et sociale. Et surtout fracture culturelle, entre les habitants des grandes villes, et tous les autres.
La violence et les embardées de langage de quelques-uns ont jeté le discrédit sur les Gilets jaunes. Il ne faudrait pas qu’une élite, assurée de sa légitimité, en tire argument pour occulter la force d’un mouvement qui a fait entendre une exigence de justice et d’égalité, parfois confuse, mais toujours profondément démocratique. Retrouvant ainsi l’inspiration des grands sursauts populaires qui ont marqué notre histoire.
Faute d'égalité

Livre de Pierre Bergounioux
"On attendait d'énergiques initiatives, des changements effectifs, de vrais événements. Ils ne se sont pas produits. Cinq décennies ont passé en vain, à vide, apparemment. Et puis ce qui aurait dû être et demeurait latent, absent fait irruption dans la durée". Pierre Bergounioux entreprend ici de saisir les origines et la signification du soulèvement social que la France a vécu ces derniers mois. Il enracine sa réflexion dans l'histoire des nations et des idées occidentales, en vertu de l'axiome selon lequel tout le passé est présent dans les structures objectives et la subjectivité des individus qui font l'histoire. Ainsi se poursuit, jusque dans les formes les plus contemporaines de la contestation, en pleine crise du capitalisme et de la représentation politique, le rêve égalitaire qui nous est propre.
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De l'acte 1 au 52, ces gilets jaunes mobilisés depuis la première heure

L'EXPRESS revient sur une année de mobilisation en donnant la parole à des Gilets jaunes (publié le 09/11/2019)
Depuis le 17 novembre 2018, jour de la première manifestation du mouvement, certains d'entre eux n'ont pas raté un seul acte de la rébellion. Témoignages.
En un an, ils n'ont jamais flanché. Malgré la neige, la pluie, la canicule. Malgré les coups de matraque et les gaz lacrymogènes. Sur les milliers de gilets jaunes qui se sont mobilisés depuis la première manifestation nationale du mouvement, le 17 novembre 2019, certains n'ont pas raté une seule marche, pas un seul rendez-vous. "On est là, et on ne lâchera rien", crient-ils haut et fort, plus déterminés que jamais. ...
La traversée de Paris des gilets jaunes, par Grégoire Bouillier

Un article de Grégoire Bouillier, paru dans LIBERATION du 20 décembre 2018
Pour écrire sur les gilets jaunes, il faut sortir s'est dit l'écrivain. Tenter de comprendre ces manifestants autoentrepreneurs de leurs propres revendications. De République à l'Arc de triomphe (Charlot déprime, son anagramme), retour sur la longue marche des 99 % le 8 décembre. Des visages vrais.
Deux écrivains s'expriment sur les "Gilets jaunes"

Edouard Louis « Chaque personne qui insultait un gilet jaune insultait mon père » |
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Annie Ernaux « Il n’y a pas de nouveau monde, ça n’existe pas » |
"Qui a tué mon père" d'Edouard Louis

Note de lecture de Michèle Cléach – 13/12/2018
Si vous n’avez pas lu à sa sortie en mai dernier Qui a tué mon père d’Edouard Louis, c’est le moment de le faire. Mieux qu’un micro-trottoir dont sont friands les médias, mieux que deux ou trois phrases « volées » ici ou là, mieux que l’analyse en surplomb de spécialistes en tous genres, ce récit hybride qui ne veut répondre à rien d’autre qu’à la nécessité : « ce que je dis ne répond pas aux exigences de la littérature mais à celles de la nécessité et de l’urgence, à celle du feu », nous plonge au cœur de ce qui, depuis plusieurs semaines, nous agitent tous, et bien au-delà de nos frontières.
Qui a tué mon père est d’abord une adresse au père du narrateur, ce père que les lecteurs d’Edouard Louis ont déjà rencontré dans son premier roman, En finir avec Eddy Bellegueule, personnage point trop sympathique qu’il avait fui en même temps qu’il fuyait son milieu d’origine (social et géographique) raciste et homophobe. Ce père qu’il revient voir très longtemps après son départ et qu’il peine à reconnaître : difficultés à parler, insuffisance cardiaque, problèmes respiratoires, diabète, cholestérol, à « à peine plus de cinquante ans » : « Tu appartiens à cette catégorie d’humains à qui la politique réserve une mort précoce ». On est page 14 et le ton est donné. Car le narrateur n’est plus l’enfant qui espérait l’absence de son père quand il rentrait de l’école - même si certaines situations donnent à voir que les choses ne sont pas si simples, que ce père-là pouvait avoir aussi des accès de tendresse et de complicité avec son fils – , il a évolué, appris à décrypter les situations, acquis des grilles de lecture et d’analyse historique, sociologique et politique. Son regard sur son père, sur la vie de son père, a changé ; à la lumière de ses acquis, il a compris comment la société a contribué à creuser l’écart entre son père et lui : « L’histoire qu’on enseignait à l’école n’était pas ton histoire à toi. On nous apprenait l’histoire et tu étais tenu à l’écart du monde ». Et au détour d’une page, il confesse « Il me semble souvent que je t’aime ».
Face à ce père physiquement détruit, Edouard Louis entreprend d’inventorier les événements : l’accident de travail qui lui détruit le dos, le déremboursement de certains médicaments, le « harcèlement » qu’il subit pour reprendre le travail malgré ce dos démoli et ses problèmes de santé liés à cet accident, la « loi travail », le mépris affiché pour les « assistés » et les « fainéants », mais aussi les hommes et les femmes responsables de cette destruction : « L’histoire de ta souffrance porte des noms. L’histoire de ta vie est l’histoire de ces personnes qui se sont succédé pour t’abattre. L’histoire de ton corps est l’histoire de ces noms qui se sont succédé pour le détruire. L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique ».
Mais en même temps que son corps se dégrade le père change. Il parle avec son fils et l’écoute, et son fils l’écoute aussi : « Toi qui toute ta vie as répété que le problème de la France venait des étrangers et des homosexuels, tu critiques maintenant le racisme en France, tu me demandes de parler de l’homme que j’aime. Tu achètes les livres que je publie, tu les offres aux gens autour de toi. »
Et le récit se termine quand, à l’issue de sa dernière visite, le fils dit à son père que, oui il fait toujours de la politique et que celui-ci lui répond : « Tu as raison. Tu as raison, je crois qu’il faudrait une bonne révolution. »
« Écrire, c’est faire la guerre au monde. »

La guerre des pauvres

[Ce livre ne traîte pas des Gilets jaunes". Mais l'auteur a tout de même estimé qu'il fallait en anticiper la parution, car pour lui la "guerre des pauvres" du XVI siècle allemand, nous en apprend sur le mouvement des gillets jaunes]
Livre d'Eric Vuillard
1524, les pauvres se soulèvent dans le sud de l’Allemagne. L’insurrection s’étend, gagne rapidement la Suisse et l’Alsace. Une silhouette se détache du chaos, celle d’un théologien, un jeune homme, en lutte aux côtés des insurgés. Il s’appelle Thomas Müntzer. Sa vie terrible est romanesque. Cela veut dire qu’elle méritait d’être vécue ; elle mérite donc d’être racontée.
[Un article de la revue belge POLITIQUE - 27/01/2019,un entretien sur FRANCE CULTURE - 26/01/2019, un article de MEDIAPART - 21 janvier 2019]
Eric Vuillard interviewé par France Inter

Dans l'émission "L'Humeur vagabonde" du 23 février 2019
"La guerre des pauvres petit livre essentiel d'Éric Vuillard qui se lit à la lumière de notre actualité sociale"
Depuis dix ans, Éric Vuillard nous offre des livres qui nous ouvrent les yeux sur les moments de l’Histoire où l’ordre réputé immuable du monde se déglingue. Déchirant d’une plume alerte et poétique, les voiles pudiques jetés par les vainqueurs sur leurs crimes, leurs mensonges, leurs trahisons, il met en lumière la résurgence, après chaque défaite, du long et terrible combat des humbles pour une société plus juste. Il publie aujourd’hui chez Actes Sud, La Guerre des Pauvres, récit bref et cinglant sur cette révolte des gens de peu, écrasée, comme il se doit, dans le sang et au nom de Dieu. Un petit livre essentiel qui se lit à la lumière de notre actualité sociale.