Je suis Paris
Justifier NON ! Comprendre OUI ! *

Certains s’élèvent contre toute réflexion sur les causes et conséquences de ces actes barbares. Au nom des victimes, jouant sur une émotion légitime, ils interdisent d’essayer de comprendre. Comprendre serait pour eux le premier pas vers la justification. Ce même procès avait été fait en son temps à Robert Merle quand, dans son beau roman « La mort est mon métier », il tentait d’expliquer la trajectoire sociale et personnelle du commandant du camp d’Auschwitz.
L’association LE DIRE ET L’ECRIRE n’a pas vocation à analyser les différentes situations politico-sociales auxquelles nous sommes confrontées.
Mais en amoureux de l’écrit, en êtres sensibles et néanmoins pensants, nous avons eu envie de proposer à chacun (et aussi à nous-mêmes) des éléments de réflexion en mettant en avant quelques livres, articles, voire chroniques de radio. Tout choix est obligatoirement subjectif, néanmoins les documents proposés ne l’ont pas été parce que nous serions obligatoirement d’accord en tout point avec leur auteur(e), mais parce qu’ils nous donnent à réfléchir.
Dans sa chronique parue dans Le Monde, Laurent Mauvignier écrit : « Les livres qui font naître la complexité du monde, son épaisseur, à partir de la singularité des êtres, des expériences humaines, eux, peuvent nous donner à penser la violence, les attentats, la solitude, mais aussi la solidarité, le partage, le besoin de vivre ».
Puissent les livres et articles que nous vous proposons nous permettre d’aller dans ce sens.
[Les documents dont le titre est marqué par * ont été proposés dans la newsletter n° 160 -11 novembre 2015, disponible au format Pdf ICI]
Tout paradis n'est pas perdu - Chronique de 2015 à la lumière de 1905

Livre de Jean Rouaud
Quand le ton a monté sur la question du voile et du menu de substitution, il m’a suffi de me retourner pour revoir dans mon enfance ce geste des femmes se couvrant la tête d’un fichu avant de sortir. Nous étions en Loire-Inférieure et la loi de 1905 était suffisamment accommodante pour accorder un jour férié aux fêtes religieuses et servir du poisson le vendredi dans les cantines, et pas seulement celles des écoles libres. Loi de séparation des Églises et de l’État, mais en réalité de l’Eglise catholique et de l’État, les autres faisant de la figuration, et l’Islam n’existant pas puisque les musulmans d’Algérie n’avaient pas le statut de citoyen. De même, il a fallu la tragédie de Charlie pour nous rappeler qu’on avait longtemps débattu avant d’autoriser la représentation des figures sacrées. Ce qui n’allait pas de soi tant le monothéisme se méfiait de l’idolâtrie en souvenir du veau d’or. Les conciliaires réunis à Nicée tranchèrent en faveur de la représentation. C’était en 843. Notre monde envahi d’images vient de là. Ce qui n’en fait pas un modèle universel.
Les portes du néant

Livre de Samar Yazbek
Figure de l’opposition au régime de Bachar al-Assad, Samar Yazbek est contrainte de quitter son pays tant aimé en juin 2011. Depuis son exil, elle ressent l’urgence de témoigner.
Au mépris du danger, elle retourne clandestinement dans son pays, en s’infiltrant par une brèche dans la frontière turque. Trois voyages en enfer dans la région d’Idlib où elle vit de l’intérieur l’horreur de la guerre civile, aux côtés des activistes. Des premières manifestations pacifiques pour la démocratie, à la formation de l’Armée Syrienne Libre, jusqu’à ...
Djihadisme - 100 pages pour comprendre

Un Hors-série du MONDE et de FRANCE INFO (janvier 2016)
...Mais aucune généalogie de la violence politique ne permet de prendre la mesure de la profonde singularité, ni de l’ampleur de la menace nouvelle à laquelle les Français sont confrontés. Il est plus urgent que jamais de la décrypter, d’en comprendre les méandres et les ressorts pour réussir à s’y confronter, à refuser la peur, à élaborer les bonnes ripostes et à éviter le piège redoutable que nous tendent les tueurs et leurs commanditaires, habités par le fanatisme millénariste de « la fin des temps ».
Le Monde et France Info ont voulu ensemble y contribuer, à travers ce hors-série exceptionnel, de multiples entretiens d’intellectuels et d’acteurs politiques et sociaux divers diffusés sur l’antenne de la radio et un premier événement au studio 104 de la Maison de la radio pour débattre et « faire face ensemble » à cette épreuve nationale....
"Portrait historique des djihadistes"

Un dossier de la revue "L'Histoire" n° 419-janvier 2016
Sur les attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre 2015, les historiens peuvent apporter un éclairage précieux. D'où viennent les djihadistes français ? Comment comprendre la force d'une idéologie capable d'un tel recrutement international ? Comment DAECH s'est-il implanté ?
Daech, dans le texte par Gabriel Martinez-Gros
Le 14 novembre 2015, l'État islamique revendiquait sur Internet les attentats qui avaient frappé Paris et Saint-Denis la veille. Le communiqué, écrit en arabe et traduit en français, renseigne sur l'univers mental et l' ...
Un monstre géopolitique par Jean-Pierre Filiu
Histoire courte de Daech, prétendu « État islamique », né de la désastreuse intervention en Irak en 2003.
Ce ne sont pas des kamikazes ! par Pierre-François Souyri
Les auteurs d'attentats-suicides n'utilisent pas eux-mêmes cette expression, ils se qualifient de soldats de Dieu, de combattants du djihad, de martyrs. Nulle part, dans leur imaginaire, n'apparaît une quelconque ...
Djihad au pays des païens par Maurice Sartre
Dans son dernier ouvrage, « Terreur dans l'Hexagone », Gilles Kepel dresse le portrait d'une France où, depuis les émeutes de 2005, de nouvelles lignes de faille sont apparues dans la société.
Guerre sainte à l'occidentale par Yann Potin
Comment un historien médiéviste peut-il contribuer à rendre intelligible la rhétorique contemporaine de la « guerre sainte » ? A la suite des discours de George Bush au lendemain du 11 septembre 2001, cette question s' ...
France-Syrie : une guerre si proche par Vincent Lemire
Le territoire sur lequel la France livre aujourd'hui la guerre est intimement lié à son histoire.
Interview de Jean-Pierre Filiu, auteur de "Les Arabes, leur destin et le nôtre"

La sociologie excuse-t-elle les terroristes ?

Article d'ALTERNATIVES ECONOMIQUES
Au Sénat, le jeudi 26 novembre, le sénateur communiste Christian Favier a demandé à Manuel Valls quelles politiques publiques il comptait mettre en œuvre après les attentats du 13 novembre « pour que toute la jeunesse, sans discrimination ni stigmatisation, puisse redonner sens à sa vie, reprendre confiance en son avenir et renouer avec l'espoir d'une vie meilleure ». Ce à quoi le Premier ministre a répondu qu'il fallait bien entendu « mener une lutte implacable contre [la] radicalisation ». Il a cependant ajouté sur un ton véhément, reprenant des propos qu'il avait déjà tenu la veille à l'Assemblée nationale : « Mais moi je vous le dis : j'en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses et des explications culturelles ou sociologiques à ce qu'il s'est passé »...
Interview de Sophie Bessis sur les rapports entre la France et l'Arabie Saoudite
La France, ces dernières années, a resserré à l’extrême ses liens avec le Qatar et l’Arabie saoudite. Est-ce au prix d’une cécité volontaire sur la responsabilité de ces pays dans le développement de l’extrémisme islamiste ?
Sophie Bessis utilise cette expression dans une tribune cosignée avec Mohammed Harbi, « Nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient ». Chercheuse associée à l’Institut des relations internationales et stratégiques, elle revient sur la politique internationale de la France, court-termiste et aliénée par son addiction aux hydrocarbures.
Pour raconter et expliquer aux enfants

A la suite des attentats de Paris et sa Région, «Libération» vous propose une édition spéciale de son format destiné aux 7-12 ans. Il répond de façon simple et claire aux questions que se posent les enfants.
En Tunisie aussi !
Mabrouk Soltani a été décapité par les terroristes le 13 Novembre 2015 dans un silence assourdissant des pouvoirs publics.
"Le même jour où la France pleurait ses morts, la Tunisie qui se réveillait choquée par le massacre perpétré par des terroristes à Paris, apprenait dans la douleur et l'effroi la décapitation, dans la région de Sidi Bouzid, d'un jeune garçon de 16 ans. Terrible est l'histoire de ce crime abject. En témoigne le récit du cousin du défunt.
En écoutant la vidéo, c'est une gifle que l'on se prend. Le discours sonne comme un cruel rappel à la réalité : chez certains, la misère semble être reçue en héritage, la galère pour destin. Persuadés d'être condamnés à ne jamais en sortir, ils prennent leur mal en patience. Mais quand le malheur vient s'ajouter à la misère, alors il n'y a plus de mots pour décrire l'accablement de ces gens, devant l'acharnement du destin. On écoute alors le cri d'un cœur meurtri par la douleur, les lamentations d'un jeune qui aurait voulu s'en sortir, et l'on devine l'ampleur du désespoir... On devine oui. Et l'on se tait, impuissant." Sirine Farhat
Pourquoi devient-on jihadiste ?

(article paru dans ALTERNATIVES ECONOMIQUES)
Les grands groupes jihadistes sont formés de militants et de combattants de générations différentes, même si la plupart d'entre eux, activité militaire oblige, sont jeunes. Au sommet, on trouve des vétérans qui ont parfois été actifs sur plusieurs fronts (Afghanistan, Algérie, Tchétchénie, Somalie, Yémen…). Mais d'autres leaders n'ont connu qu'une zone de guerre, à l'instar d'Abou Bakr al-Baghdadi, calife autoproclamé de l'État Islamique le 29 juin 2014 et qui s'est engagé dans le jihadisme en Irak en 2003, au moment de l'occupation américaine.
La lutte contre la domination d'un pays ou d'une région à majorité musulmane par un occupant étranger ou par un pouvoir considéré comme oppresseur, est la motivation originelle de nombreux combattants, mais ce n'est en principe pas la seule puisque contrairement à des mouvements nationalistes, les principaux groupes jihadistes actuels affirment se battre pour la création, à plus ou moins long terme, d'un régime politique transnational qui prenne comme seul référent la loi divine. Et de fait, pour certains militants, au Nord Mali par exemple, l'adoption d'une idéologie religieuse radicale (salafiste le plus souvent) a précédé l'engagement militaire...
Histoire du terrorisme - de l'Antiquité à Daech

Un livre de Gérard Chaliand et Arnaud Blin
Nous vivons à l'heure du terrorisme, et nous ignorons son histoire. Pris par la violence des images, la surenchère des menaces, la confusion de l’information « en continu », nous laissons finalement peu de place à la réflexion et à l'analyse. Il est pourtant urgent de chercher à comprendre le phénomène terroriste.
Avec le concours de spécialistes internationaux, Gérard Chaliand et Arnaud Blin retracent dans cet ouvrage l'histoire du terrorisme, depuis l'Antiquité jusqu'à ses formes les plus récentes, et nous font comprendre combien la perception du terrorisme a évolué. L'islamisme radical est ainsi replacé dans son contexte historique. Seule cette profondeur de vue peut nous permettre de cerner les enjeux actuels de ce phénomène, dont les effets sont loin d'être épuisés.
Les auteurs ont aussi réuni pour ce livre les discours, manifestes et autres textes théoriques des acteurs principaux du terrorisme, de Bakounine à Ben Laden – la plupart inédits en français. Ce que vous avez entre les mains, lecteurs, c’est la première grande encyclopédie du terrorisme.
- Editeur : Fayard
- Parution : 16/09/2015
- EAN : 9782213687308
- EAN numérique : 978221369948
Un texte d'analyse de La Cimade

Suite aux attentats ayant frappé Paris le 13 novembre 2015, une série de mesures sont mises en œuvre ou annoncées. La Cimade met à disposition quelques éléments d’explication ou d’interrogation sur les points suivants :
-
- L’état d’urgence
- La fiche «S»
- Les assignations à résidence et les arrêtés d’expulsions prononcés aux lendemains des attentats
- Les annonces faites par François Hollande concernant la déchéance de nationalité, l’interdiction de revenir en France pour les binationaux menaçant la sécurité nationale, et l’accélération des expulsions….
Boussole *

Un livre de Mathias ENARD
... Tissée de destinations lointaines et de rencontres marquantes au fil de destins voyageurs - séjours universitaires ou archéologiques, débats historiques ou philologiques -, cette histoire est celle d'une main tendue, d'un désir pur de mélanges et de découvertes que l'actualité contemporaine vient gifler. Et le tragique écho de ce fiévreux élan brisé résonne dans l'âme blessée des personnages comme il traverse le livre. Voyage autour d'une chambre, panorama d'un double amour impossible, d'un double rendez-vous manqué, Boussole est le témoignage d'une rencontre déterminante, de métissages profonds et d'infernales folies -l'inventaire amoureux de l'incroyable apport de l'Orient à la culture et à l'identité occidentales. Sur le pouvoir et les impuissances de la fascination, sur la solitude de l'esthète et l'élusive préservation des traces, l'auteur de Zone orchestre une quête éperdue et délibérée de l'autre en soi et s'y montre vertigineux d'érudition, irrésistible de mélancolie et déchirant de lucidité.
Otages intimes *

Un livre de Jeanne Benameur
Photographe de guerre, Étienne a toujours su aller au plus près du danger pour porter témoignage. En reportage dans une ville à feu et à sang, il est pris en otage. Quand enfin il est libéré, l’ampleur de ce qu’il lui reste à réapprivoiser le jette dans un nouveau vertige, une autre forme de péril.
De retour au village de l’enfance, auprès de sa mère, il tente de reconstituer le cocon originel, un centre depuis lequel il pourrait reprendre langue avec le monde. Au contact d’une nature sauvage, familière mais sans complaisance, il peut enfin se laisser retraverser par les images du chaos. Ces trois-là se retrouvent autour des gestes suspendus du passé, dans l’urgence de la question cruciale : quelle est la part d’otage en chacun de nous ? De la fureur au silence, Jeanne Benameur habite la solitude de l’otage après la libération. Otages intimes trace les chemins de la liberté vraie, celle qu’on ne trouve qu’en atteignant l’intime de soi. ...
2084 - La fin du monde *

Un livre de Boualem Sansal
L'Abistan, immense empire, tire son nom du prophète Abi, «délégué» de Yölah sur terre. Son système est fondé sur l'amnésie et la soumission au dieu unique. Toute pensée personnelle est bannie, un système de surveillance omniprésent permet de connaître les idées et les actes déviants. Officiellement, le peuple unanime vit dans le bonheur de la foi sans questions. Le personnage central, Ati, met en doute les certitudes imposées. Il se lance dans une enquête sur l'existence d'un peuple de renégats, qui vit dans des ghettos, sans le recours de la religion. Boualem Sansal s'est imposé comme une des voix majeures de la littérature contemporaine. Au fil d'un récit débridé, plein d'innocence goguenarde, d'inventions cocasses ou inquiétantes, il s'inscrit dans la filiation d'Orwell pour brocarder les dérives et l'hypocrisie du radicalisme religieux qui menace les démocraties.
Ô nuit, Ô mes yeux *

Un livre de Lamia ZADIE
Dans ce livre il y a les cabarets du Caire, les studios, villas, casinos du Caire, les maris, les amants, l’alcool, les somnifères, l’argent, les suicides, les brownings, les scandales, les palaces. Il y a le chant, la musique, la voix, les ovations, les triomphes, la gloire. Il y a l'audace, le génie, l'aventure, la tragédie.
Il y a des poètes et des émirs, des danseuses, des banquiers, des officiers, des imams, des cheikhs, des actrices, des khawagates, des musiciens, des vamps, des noctambules, des révoltés, des sultans, des pachas, des beys, des espionnes, des prodiges, des rois d'Egypte et la cour. D'éminents journalistes, de célèbres compositeurs, des patronnes de clubs, des grands chambellans, des joueurs de oud. Il y a la petite paysanne du delta et la princesse druze, le fils du muezzin et le chanteur solitaire, la star juive et le colonel héroïque. Il y a Asmahan, Oum Kalthoum, Abdelwahab, Farid el Atrache, Samia Gamal, Leila Mourad, Nour el Hoda, Sabah, Fayrouz, il y a les astres de l'orient. Il y a la classe, le glamour, la touche, le style. Il y a l'amour, la passion, la haine, la vengeance….
La géographie du danger *

Un livre de Hamid SKIF
" Les patronymes que je m'attribue sont fonction de l'employeur. Je suis turc, arabe, berbère, iranien, kurde, gitan, cubain, bosniaque, albanais, roumain, tchétchène, mexicain, brésilien ou chilien au gré des nécessités. J'habite les lieux de ma métamorphose. " Un sans-papiers vit depuis des mois terré dans une chambre de bonne. Observant par la lucarne les habitants de l'immeuble d'en face, le jeune homme se remémore son passé, fait défiler les figures pittoresques ou sinistres de l'exil et attend jour après jour la visite de Michel, l'étudiant qui l'héberge et le ravitaille en secret. Plus qu'une méditation sur le partage du monde, ce roman incandescent permet au lecteur de ressentir, au plus intime de lui-même, la peur et la misère des clandestins, la douleur du malentendu. " La voix de Hamid Skif est de celles qu'on préférerait ne pas entendre car elles sont trop émouvantes et trop proches. " Der Spiegel.
L'attentat *

Un livre de Yasmina KHADRA
Amine, chirurgien israélien d’origine palestinienne, a toujours refusé de prendre parti dans le conflit qui oppose son peuple d’origine et son peuple d’adoption, et s’est entièrement consacré à son métier et à sa femme, Sihem, qu’il adore. Jusqu’au jour où, au cœur de Tel Aviv, un kamikaze se fait sauter dans un restaurant, semant la mort et la désolation. Toute la journée, Amine opère les victimes de l’attentat, avec pour tout réconfort l’espoir de trouver le soir l’apaisement dans les bras de Sihem. Mais quand il rentre enfin chez lui, au milieu de la nuit, elle n’est pas là. C’est à l’hôpital, où le rappelle son ami Naveed, un haut fonctionnaire de la police, qu’il apprend la nouvelle terrifiante : non seulement il doit reconnaître le corps mutilé de sa femme mais on l’accuse elle, Sihem, d’être la kamikaze… Amine ne peut tout d’abord admettre que sa femme, qui n’a jamais manifesté un attachement particulier à la cause palestinienne, ait pu commettre un acte aussi barbare. Pourtant, il doit se résoudre à accepter l’impossible quand il reçoit le mot qu’elle lui a laissé. Alors, pour comprendre comment elle a pu en arriver à une telle extrémité, il s’efforce de rencontrer tous ceux qui l’ont poussée à ce geste fou. Et doit écouter sans répit une vérité qu’il ne peut pas entendre.
Les Arabes, leur destin et le nôtre *

Livre de Jean-Pierre Filiu
… Cette « histoire commune » qui a fait le malheur des Arabes ne doit pas faire oublier une autre histoire, largement méconnue : une histoire d’émancipation intellectuelle, celle des « Lumières arabes » du XIXe siècle, mais aussi une histoire d’ébullition démocratique et de révoltes sociales, souvent écrasées dans le sang. Autant de tentatives pour se libérer du joug occidental et de l’oppression des despotes, afin de pouvoir, enfin, écrire sa propre histoire.
Sous la plume de Jean-Pierre Filiu, les convulsions du présent se prêtent alors à une autre lecture, remplie d’espoir : dans la tragédie, un nouveau monde arabe est en train de naître sous nos yeux.
Prendre dates - Paris, 6 janvier-14 janvier 2015 *

Livre de Patrick Boucheron et Mathieu Riboulet
Les échanges qu'on va lire, et bien plus encore les événements qui les ont provoqués et ceux qui y sont évoqués, nous font violence, à l'un, historien, comme à l'autre, écrivain, peu enclins par nature à parler d'actualité. Il nous a pourtant été nécessaire de les coucher sur le papier, non pour commenter, énoncer ou juger, mais pour faire état de cet état d'esprit qui nous a envahis brusquement au fil de ces journées qui ont, non pas changé la donne, mais tranché les positions. C'est cela, le point commun de nos métiers : livrer des récits, parler après que la mort est passée. Ce récit-là est une contribution, avant que l'histoire ne se fige et que les pages se tournent. Nous souhaitons qu'il soit débattu, repris, démenti, en un mot qu'il vive bien au-delà de nous et ne reste pas sur le carreau comme les dix-sept corps assassinés et les trois corps assassins, à Paris, en janvier 2015.
Le Pintemps des Arabes *

Une BD de Jean-Pierre Filiu et Cyrille Pomès
Edition : Futuropolis
Juin 2013
Pour que cesse la lutte armée en France, il faut gagner la paix au Moyen-Orient*

(Article d'Edgar MORIN paru dans Le Monde)
Ce ne sont plus des attentats. Avec une action meurtrière massive menée en six lieux simultanés, la stratégie, donc la guerre est entrée dans Paris. Il y avait des partisans de Daech ici et là. Maintenant Daech est chez nous. Il ne s’agit pas d’une guerre de religions. Il s’agit de la guerre d’une secte fanatique issue de l’islam contre toute société, y compris islamique, qui soit autre qu’un totalitarisme religieux.
Rappelons que si les sources de Daech sont endogènes à l’Islam, y constituant une minorité démoniaque qui croit lutter contre le Démon, c’est l’Occident, notamment américain, qui a été l’apprenti sorcier délivrant les forces aveugles qui se sont alors déchaînées.
Ajoutons que si nous sommes dans le droit, cessons de nous sanctifier. Continuons à dénoncer leurs monstruosités ici et là-bas, mais ne soyons pas aveugles sur les nôtres, là-bas. Car nous utilisons aussi, à notre mode occidental, tueries et terreur : ce que frappent drones et bombardiers sont principalement non des militaires, mais des populations…..
« Nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient » *

(Article de Sophie BESSIS et Mohamed HARBI, paru dans Le Monde)
Soyons réalistes, demandons l’impossible, clamaient dans les rues de Paris les utopistes de mai 1968. Etre réaliste aujourd’hui, c’est réclamer à ceux qui gouvernent d’aller aux racines de ce mal qui, le 13 novembre, a tué au moins 129 personnes dans la capitale française. Elles sont multiples, et il n’est pas question d’en faire ici l’inventaire. Nous n’évoquerons ni l’abandon des banlieues, ni l’école, ni la reproduction endogamique d’élites hexagonales incapables de lire la complexité du monde. Nous mesurons la multiplicité des causes de l’expansion de l’islamisme radical.
Comme nous savons à quel point l’étroitesse des rapports entretenus dans tout le monde arabe entre les sphères politique et religieuse a pu faciliter son émergence, nous n’avons aucune intention simplificatrice. Mais, aujourd’hui, c’est la politique internationale d’une France blessée, et de l’ensemble du monde occidental, que nous voulons interroger….
Nous pleurons les mêmes larmes, nous souffrons les mêmes douleurs *

(Article Georgia MAKHLOUF paru dans L'Humanité)
…. En ces journées où nous sommes saisis par le drame, la direction que prennent mes pensées me ramène à Beyrouth où, la veille de ce funeste vendredi, les mêmes mains meurtrières ont frappé, les mêmes discours apocalyptiques ont semé la terreur, où des morts par dizaines et des blessés par centaines sont tombés. Et pourtant nul monument, à New York ni Sydney ne s'est éclairé aux couleurs du drapeau libanais, nul système d'alerte Facebook n'a été déclenché pour permettre de se signaler en sécurité, et l'on n'a pas, sur les fenêtres, allumé de bougies. Disant cela, j'ai conscience de m'engager sur un terrain glissant puisque cette rhétorique est aussi empruntée par des prodjihadistes qui mettent sur un même plan les victimes des sauvages attaques de Paris et les morts des guerres « impérialistes » dans le monde musulman. S'il ne peut s'agir un instant de trouver des excuses aux barbares qui ré-pandent la mort et la répandent avant tout chez eux, en Irak, en Syrie, au Liban force est de constater que les démocraties occidentales depuis trop longtemps se comportent d'une façon …
Interview de Gérard Chaliand *

(publiée dans La Croix)
Les attaques contre Paris étaient prévisibles depuis longtemps. Déjà, du temps d'Al-Qaida, la France était située en tête de la liste des pays que promettaient de frapper les djihadistes. Nos engagements militaires ont exacerbé cet objectif déclaré. Je note surtout la minutie de la préparation et son indiscutable impact. Mais, au-delà du caractère tragique de ces événements, les autorités françaises ne peuvent plus s'en tenir à des propos fermes. Elles doivent passer à des décisions fermes. Déclamer que « nous sommes en guerre » (alors qu'il s'agit d'un conflit), soit. Mais où sont les mesures de guerre? Je ne les vois nulle part. Nous avons projeté nos forces militaires à l'extérieur, dans une demi-douzaine de théâtres d'opération. Sur le territoire français, le plan Vigipirate n'a d'efficacité que symbolique et nous n'avons rien fait sur le plan législatif. Il est grand temps de passer aux choses sérieuses. Il faut arrêter de suspecter des suspects, ne plus attendre qu'ils nuisent ....
Regarder la mort en face, par Laurent Mauvignier *

(paru dans Le Monde)
Je ne vois pas comment les attentats qui nous frappent, à force d’habiter nos pensées, pourraient ne pas habiter nos livres.
Voilà en quoi revient, pour moi, cette question d’écrire avec la mort, avec le réel, avec la violence qui nous entoure et nous concerne. On peut y répondre en écrivant des livres, certains le feront ; on peut aussi y répondre en refusant aux terroristes le pouvoir de coloniser notre esprit et notre travail. C’est une question qu’il faut se poser, qu’on se pose toujours : comment ramener ce qui nous ébranle dans le champ de nos interrogations, sans rien céder de ce que nous sommes.
Car la littérature doit prendre le temps de mesurer l’impact de ce que notre vie subit. Elle ne doit pas se laisser corrompre – comme l’acidité corrompt – par l’émotion et la sidération. L’écrivain doit prendre le temps de la mise en perspective, et, dans le cas des romanciers, prendre le temps d’interroger la violence par le prisme de sa pratique, qui n’est ni celle de la philosophie, ni celle de la sociologie, de la psychologie, etc., mais qui pourtant les enveloppe et les concentre dans ces expériences simulées qu’on appelle fictions….
L'état d'urgence en 5 questions *

(article paru dans Alternatives Economiques)
A la suite des attentats du vendredi 13 novembre, le Conseil des ministres a décrété, à compter du 14 novembre minuit, l’état d’urgence en métropole et en Corse, conformément à la loi du 3 avril 1955 – toujours valide sous la Ve République – qui le permet « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».
1/ De quoi s’agit-il ?
La déclaration de l’état d’urgence permet de limiter à certains moments et dans certains lieux les libertés : liberté de circulation des personnes et des véhicules, interdiction de séjour, assignation à résidence, fermeture de salles de spectacles, de débits de boissons, interdiction de réunions, réquisition des armes.
Le décret du 14 novembre y ajoute une « disposition expresse » qu’autorise la loi de 1955, permettant aux autorités d’ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit (ce qui dessaisit la justice) et de contrôler les médias.
Initialement, d’après la loi de 1955, l’état d’urgence ne pouvait être établi qu’après un vote du Parlement. Mais une ordonnance de 1960 voulue par de Gaulle autorise le gouvernement à décréter seul, sans vote, l’état d’urgence pour une durée de douze jours. Au-delà, sa prorogation nécessite le vote d’une loi qui en fixe la durée. De Gaulle souhaitait alors renforcer son pouvoir face à une armée d’Algérie incertaine, notamment compromise à Alger lors de la « semaine des Barricades » des ultras d’Algérie.
L’état d’urgence est donc clairement un régime d’exception, au même titre que les pleins pouvoirs au président de la République (permis par l’article 16 de la Constitution de la Ve République, qui lui donne de fait tous les pouvoirs « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ») ….
Une interview de Marc Trévidic, ancien juge anti-terroriste *

(parue sur le dauphine.com)
Vous aviez prédit en septembre un attentat de masse. Que faut-il faire maintenant ?
« Nous avons besoin de bras, dans le renseignement, la justice, la police, mais pas de lois supplémentaires. C’est un mal français. À chaque attentat, on fait une loi. Qui ne sert à rien. Il faut fluidifier le passage du renseignement vers le judiciaire à propos d’individus dangereux pour qu’on cherche des preuves contre eux et qu’on les arrête. Quand vous avez un tel potentiel de personnes radicalisées, il faut se mettre à niveau. »
Après chaque attentat, on découvre que les suspects étaient identifiés, voire même fichés « S » par le renseignement. Mais à quoi cela sert-il ?
« Le renseignement identifie un individu en voie de radicalisation. Mais l’enjeu est de passer au judiciaire, de réunir des preuves qui permettent de l’arrêter. C’est notre système. Alors à moins que l’on change de régime, que l’on sorte de la démocratie, il fonctionne comme cela… La fiche S, c’est une alerte. Que tout le monde soit averti quand le gars passe une frontière, revient de Turquie, de Syrie. Je le répète : si vous mettez en face le nombre de fonctionnaires de police spécialisés et le nombre de radicalisés, il y a moins d’un fonctionnaire par cible.» ...
D'autres documents : à lire, à écouter *
Et lire
Et écouter