Lus et relus cet été 2017
Requiem de guerre

Livre de Franck Venaille
Un recueil dans lequel le poète convoque le militant communiste italien Enrico Berlinguer, Sigmund Freud ou encore François Villon pour faire le procès du monde dans lequel il vit, tout en cherchant à l'améliorer. La vie quotidienne est représentée comme une maladie, traversée d'humeurs contradictoires.
Vernon Subutex (3)

Livre de Virginie Despentes
Vernon Subutex 3, le retour de Vernon, suite et fin de la trilogie.
Vernon Subutex a construit autour de lui une communauté qui vient l'écouter lors de transes appelées "Convergences". Ils vont de lieu eu lieu comme les Rave Party mais sans aucune prise de drogue. En parallèle, le producteur Dopalet cherche encore à se venger de son agression. Il finit par faire séquestrer Celeste. Libérée in-extremis, un dernier acte de vengeance amène une sérial killer à tuer tous les membres de la communauté autour de Vernon Subutex. Il est le seul survivant du massacre mais se cache. Max et Dopalet s'emparent de cet événement alors qu'ils en sont les instigateurs pour en faire une série à succès. La fin du roman nous dépeint dans le futur la secte Subutex comme les premiers Chrétiens. D'autant que Vernon Subutex sera vu après sa mort présumée, ce qui accrédite encore plus la théorie du gourou christique. Les adeptes de la secte d'abord interdits, persécutés puis tolérés. Des siècles plus tard on comprend que Alex Bleach et Vernon Subutex avaient ouvert une voie dans l'âme humaine pour connecter les participants. Subutex a construit une religion.
L'enfant qui

Livre de Jeanne Benameur
Trois trajectoires, trois personnages mis en mouvement par la disparition d’une femme, à la fois énigme et clé.
L’enfant marche dans la forêt, adossé à l’absence de sa mère. Il apprend peu à peu à porter son héritage de mystère et de liberté. Avec un chien pour guide, il découvre des lieux inconnus. À chaque lieu, une expérience nouvelle. Jusqu’à la maison de l’à-pic.
Le père, menuisier du village, délaisse le chemin familier du Café à la maison vide. En quête d’une autre forme d’affranchissement, il cherche à délivrer son corps des rets du désir et de la mémoire.
Et puis il y a la grand-mère, qui fait la tournée des fermes voisines, dont le parcours encercle et embrasse le passé comme les possibles.
Porté par la puissance de l’imaginaire, L’Enfant qui raconte l’invention de soi, et se déploie, sensuel et concret, en osmose avec le paysage et les élans des corps, pour mieux tutoyer l’envol.
Une très légère oscillation

Livre de Sylvain Tesson
Le journal de bord de Sylvain Tesson, entre expéditions et voyages intérieurs, bivouacs d'un soir et méditations d'un jour. Entre les mots se dessine l'écriture d'un destin.
La géographie de Sylvain Tesson est vaste. Elle couvre Paris, les toits de Notre-Dame, les calanques de Cassis, les montagnes de Chamonix, l'Irak, l'Ukraine, la Russie. Il y a les expéditions et les voyages intérieurs, les bivouacs d'un soir et les méditations d'un jour, mais aussi les escalades des parois et les descentes au fond des livres. Entre les mots se dessine l'écriture d'un destin. Alors que son dernier livre Sur les chemins noirs raconte son voyage du sud de la France au Cotentin, Une très légère oscillation est un miroir le long d'autres chemins.
Le journal de Sylvain Tesson oscille entre le Manuel d'Epictète et les pensées de Jules Renard. Il nous incite à jouir de l'instant, à ne rien attendre du lendemain et à s'extasier des manifestations du vivant : une branche dans le vent, le reflet de la lune. C'est la chose la plus difficile au monde que de reconnaître le bien-être dans ses expressions les plus humbles, de le nommer, le saisir, le chérir. Savoir qu'on est en vie, que cela ne durera pas, car tout passe et tout s'écoule.
Tout intéresse Sylvain Tesson. Sa panoplie littéraire enveloppe l'actualité la plus brûlante : Daech, les attentats, l'islam, le pape, la politique française mais aussi l'intemporel, la poésie, le spirituel. Humour et poésie sont les deux lignes de vie de Sylvain Tesson même quand il chute d'un toit et se retrouve hospitalisé pendant de longs mois à la Salpetrière : " Un fleuve bordé de saules pleureurs, est-ce une rivière de larmes ? "
Congo

Livre de Eric Vuillard
Eric Vuillard poursuit avec Congo son entreprise de relecture de l'Histoire, qu'il tutoie au plus près, à hauteur d'homme, mettant en scène les balbutiements de l'époque coloniale pour dénoncer les travers de notre modernité.
Derniers témoins

Livre de Svetlana Alexievitch
Ouvrage polyphonique où des centaines de destins d'enfants de la Seconde Guerre Mondiale se croisent pour former un chœur tragique qui donne de la guerre, de toutes les guerres, une vision émouvante jusqu'à l'insoutenable.
De tous les textes de Svetlana Alexievitch, celui-ci est le plus déchirant. Car qu'y a-t-il de plus terrible que l'enfance dans la guerre, de plus tragique que l'innocence soumise à l'abjection de la violence et de l'anéantissement ?
Les personnages de ce livre ont entre trois et douze ans. Garçons et filles, ils ont grandi au cœur des ténèbres du plus inhumain des conflits ; cette Seconde Guerre mondiale dont les plaies restent toujours béantes soixante ans après.
Publié une première fois dans une édition tronquée, mutilée par la censure encore soviétique à la fin des années quatre-vingt, jamais traduit en français, Derniers témoins paraît aujourd'hui pour la première fois dans sa version définitive, achevée en 2004. Il a donc fallu à Svetlana Alexievitch près d'un quart de siècle pour mettre un point final à ce monument de la littérature, dressé pour commémorer la plus injuste des souffrances.
La poésie inhérente à l'enfance lui donne une force d'évocation qui nous touche au plus profond de nous-mêmes. Bouleversant par sa charge de vérité, émouvant jusqu'à l'insoutenable, Derniers témoins change notre regard sur l'histoire, sur le monde, sur la guerre, sur l'enfance, sur la vie.
Les soldats de Salamine

Livre de Javier Cercas
A la fin de la guerre civile espagnole, l’écrivain Rafael Sánchez Mazas, un des fondateurs de la Phalange, réchappe du peloton d’exécution des troupes républicaines défaites qui fuient vers la frontière française. Un soldat le découvre terré derrière des buissons et pointe son fusil sur lui. Il le regarde longuement dans les yeux et crie à ses supérieurs : "Par ici, il n’y a personne !"
La valeur qu’il entrevoit au-delà de l’apparente anecdote historique pousse un journaliste, soixante ans plus tard, à s’attacher au destin des deux adversaires qui ont joué leur vie dans ce seul regard.
Il trace le portrait du gentilhomme suranné rêvant d’instaurer un régime de poètes et de condottieres renaissants, quand surgit la figure providentielle d’un vieux soldat républicain. L’apprenti tourneur catalan, vétéran de toutes les guerres, raconte : les camps d’Argelès, la légion étrangère, huit années de combats sans relâche contre la barbarie fasciste. Serait-il le soldat héroïque ? L’homme laisse entendre que les véritables héros sont tous morts, tombés au champ d’honneur, tombés surtout dans l’oubli ; que les guerres ne seraient romanesques que pour ceux qui ne les ont pas vécues.
Ce livre, qui a bouleversé l’Espagne, entreprend une carrière internationale sans précédent.
L'autre moitié du soleil

Livre de Chimamanda Ngozi Adichie
Lagos, début des années soixante. L'avenir paraît sourire aux sœurs jumelles : la ravissante Olanna est amoureuse d'Odenigbo, intellectuel engagé et idéaliste ; quant à Kainene, sarcastique et secrète, elle noue une liaison avec Richard, journaliste britannique fasciné par la culture locale. Le tout sous le regard intrigué d'Ugwu, treize ans, qui a quitté son village dans la brousse et qui découvre la vie en devenant le boy d'Odenigbo.
Quelques années plus tard, le Biafra se proclame indépendant du Nigeria. Un demi-soleil jaune, cousu sur la manche des soldats, s'étalant sur les drapeaux : c'est le symbole du pays et de l'avenir. Mais une longue guerre va éclater, qui fera plus d'un million de victimes.
Évoquant tour à tour ces deux époques, l'auteur ne se contente pas d'apporter un témoignage sur un conflit oublié ; elle nous montre comment l'Histoire bouleverse les vies. Bientôt tous seront happés dans la tourmente. L'autre moitié du soleil est leur chant d'amour, de mort, d'espoir.
Les oiseaux de bois

Livre d'Asli Erdogan
Une jeune schizophrène est convoquée par les médecins, un événement qu’elle va vivre, commenter, interpréter à la faveur de son imaginaire.
Face à la prison, une femme attend le jour. Elle relit les lettres censurées de celui qu’elle aime, tente de se croire différente depuis qu’elle est enceinte.
Sur le mode d’une brillante évocation d’un moment de rupture qui va précipiter le narrateur dans l’infini voyage, d’une réflexion élégiaque sur le temps qui passe, d’un rituel envoûtant à l’humour dionysiaque ou d’une parodie très politique d’un séjour en hôpital psychiatrique, ces récits aux limites du réalisme sont toujours en écho avec l’état de la Turquie contemporaine. Ils entraînent le lecteur dans une plongée magistrale, au coeur même de l’oeuvre d’Asli Erdogan.
Asli Erdogan a une quarantaine d’années. Elle vit à Istanbul où elle intervient dans le champ politique, notamment pour défendre les droits de l’homme. Physicienne de formation, elle a travaillé au Centre européen de recherches nucléaires de Genève ; elle se consacre désormais à l’écriture. Ses livres sont traduits dans de nombreux pays, en Europe comme aux Etats-Unis.
Portrait d'après blessure

Livre de Hélène Gestern
Il s'appelle Olivier, elle s'appelle Héloïse. Ils sont en route pour déjeuner, mais la rame de métro dans laquelle ils sont montés ensemble est gravement endommagée par une explosion. Restera de cet accident des corps meurtris, un sentiment brisé et une photo de leur évacuation, si violente et si impudique qu'elle va tout faire trembler autour d'eux.
A partir de ce moment, ils n'auront qu'une obsession : réparer les dégâts que cette image aura causés dans leurs vies. Portrait d'après blessure raconte l'histoire de deux êtres aux prises avec le pouvoir des photographies, toutes les photographies, qu'elles parlent la langue de la dignité ou celle du désastre.
Mais bien au-delà de cette trame romanesque, Portrait d'après blessure est aussi une réflexion sur le pouvoir de plus en plus grand d'internet sur nos vies quotidiennes. Que se passe-t-il lorsque cet espace encore peu régulé, théâtre du meilleur comme du pire, s'empare d'une image et la jette en pâture sur la place publique. Comment assurer alors la préservation de l'intimité ? C'est aussi un livre sur la difficulté d'aller vers l'autre, même (et surtout) quand on s'aime. Histoire sur la fin d'une histoire et le courage qu'il faut pour en recommencer une autre, malgré tout.
Le Temps du voyage - Petite causerie sur la nonchalance et les vertus de l'étape

Livre de Patrick Manoukian
La collection "Petite philosophie du voyage" invite Patrick Manoukian, éditeur, à réfléchir sur la valeur du temps en voyage. Quand le parcours importe davantage que le but, que la rencontre est préférée à la visite et la nonchalance substituée à la hâte, le hasard des étapes, dans un café ou au creux d'un hamac, fait tout le sel du voyage.
À l’heure du voyage toujours plus court, organisé jour après jour, voire d’heure en heure, il convient de s’interroger sur ce qui constitue l’agrément de la découverte d’autres pays et cultures. Le voyage peut en effet, par la prodigalité de ses étapes – imprévus, haltes forcées, rencontres inattendues voire inespérées –, instituer une relation différente au temps, au point que ce sont les interstices du programme projeté, comme des parenthèses précieuses, qui en constituent l’intérêt. Si le chemin vaut plus que le but, l’étape vaut mieux que le déplacement, et parfois le temps perdu à un comptoir, dans un sofa, à une terrasse ou pour un détour marquera le voyage plus qu’un monument ou un point de vue répertorié.
C’est à une forme d’éloge de la paresse et de la nonchalance que nous sommes conviés, pour découvrir avec l’auteur, de l’éruption de l’Eldfell en Islande aux clandés du Mato Grosso, d’une cellule de prison au Pérou à l’Extrême-Orient Express, toute la saveur du « temps retrouvé ».
L'ordre du jour

Livre d'Eric Vuillard
Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d'épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l'Assemblée ; mais bientôt, il n'y aura plus d'Assemblée, il n'y aura plus de président, et, dans quelques années, il n'y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants
Journal du Ciel

Livre de Jacqueline Chebrou
« Ne lisez pas les philosophes qui prétendent tout expliquer, ouvrez seulement votre fenêtre sur le ciel, et glissez vers le regard du dedans. Et puis écoutez ! ».
Ce conseil de l'auteur est aussi une clé de lecture de cet ouvrage hybride. Entre journal et poésie, deux immensités se côtoient et se répondent dans ce recueil : l'espace de l'intime et l'espace du monde.
Depuis le petit appartement où elle vit, Jacqueline Chebrou accueille d'innombrables présences et s'émerveille inlassablement de la beauté du monde qu'elle retranscrit au fil des pages de ce livre.
Frères migrants

1939 : les réfugiés espagnols au Perthus bloqués par les gendarmes 2017 : les réfugiés africains à Vintimille bloqués par la PAF
Livre de Patrick Chamoiseau
La poésie n’est au service de rien, rien n’est à son service. Elle ne donne pas d’ordre et elle n’en reçoit pas. Elle ne résiste pas, elle existe -- c’est ainsi qu’elle s’oppose, ou mieux : qu’elle s’appose et signale tout ce qui est contraire à la dignité, à la décence. À tout ce qui est contraire aux beautés relationnelles du vivant. Quand un inacceptable surgissait quelque part, Edouard Glissant m’appelait pour me dire : « On ne peut pas laisser passer cela ! » Il appuyait sur le « on ne peut pas ». C’était pour moi toujours étrange. Nous ne disposions d’aucun pouvoir. Nous n’étions reliés à aucune puissance. Nous n’avions que la ferveur de nos indignations. C’est pourtant sur cette fragilité, pour le moins tremblante, qu’il fondait son droit et son devoir d’intervention. Il se réclamait de cette instance où se tiennent les poètes et les beaux êtres humains. Je ne suis pas poète, mais, face à la situation faite aux migrants sur toutes les rives du monde, j’ai imaginé qu’Edouard Glissant m’avait appelé, comme m’ont appelé quelques amies très vigilantes. Cette déclaration ne saurait agir sur la barbarie des frontières et sur les crimes qui s’y commettent. Elle ne sert qu’à esquisser en nous la voie d’un autre imaginaire du monde. Ce n’est pas grand-chose. C’est juste une lueur destinée aux hygiènes de l’esprit. Peut-être, une de ces lucioles pour la moindre desquelles Pier Paolo Pasolini aurait donné sa vie.
Interview sur France Culture, le 5 mai 2017
L'hirondelle rouge

Livre de Jean-Michel Maulpoix
À présent qu’ils ont franchi le seuil, j’imagine ce vieil homme et cette vieille femme se retrouvant au fond du grand Jardin, délivrés de leur longue fatigue, oublieux de la laideur de leur nudité, gourmands de pêches, de poires et de melons, près de l’arbre à désir, à savoir et à poèmes. Mon père et ma mère veillant sur les fruits profonds de la nuit, avec des rires et des baisers, de toute leur enfance restée vive, ébouriffant la cendre, leur amour à tout jamais ayant le dernier mot.
Dans cette Hirondelle rouge, dont le titre fait écho aux toiles oniriques de Joan Miró (L’Hirondelle éblouie par l’éclat de la prunelle rouge), Jean-Michel Maulpoix évoque avec beaucoup de pudeur ses parents disparus. En des tableaux très courts, il dresse d'eux des portraits fragmentaires et intimes. Comment continuer à vivre et à écrire, telles sont les questions que pose le fils et que tente de résoudre le poète.
« Qu’opposer d'autre à la nuit que la phrase muette du désir ? » Avec une prose poétique inimitable, Jean-Michel Maulpoix livre un récit qui tient autant du tombeau que de l’autobiographie, où l’écriture, la vie et la mort sont étroitement mêlées.
Les yeux fardés

Livre de Luis Llach
Ils sont quatre inséparables, Germinal, David, Joana et Mireia, nés en 1920, qui traversent les rives de l'enfance dans le quartier populaire d'une Barceloneta aux ruelles bigarrées, aux senteurs maritimes, à la culture ouvrière militante. Après l'âge tendre des premiers émois, les personnalités s'affirment et les destinées s'esquissent. Pour les deux filles, du moins. Les balises de l'avenir se font plus fluctuantes pour les garçons quand ils découvrent la passion qui les unit. Si la proclamation de la République leur ouvre les voies de l'espérance, très vite la guerre civile rebat les cartes et conduit les amis au chaos... Ode vibrante à Barcelone l'irréductible et à son peuple enivré de rêves libertaires, ce roman trace avec une grande finesse l'expérience guerrière de ces héros sans grade, nimbée de la nostalgie douce-amère des illusions perdues.
Aucun souvenir de Césarée

Livre de Marie-Ange Guillaume
De son enfance, elle a tout oublié sauf la peur et l’ennui coriace. De ses vingt ans, elle a tout oublié sauf son absence au monde. Elle a même oublié Césarée, la ville en ruine qu’elle déclarait « inoubliable » dans une lettre envoyée à sa mère. Elle a juste retenu le vers de Racine, « Je demeurai longtemps errant dans Césarée ». Heureusement, sa mère a écrit un journal où elle raconte ce qu’elles ont vécu ensemble, avec et sans le père. Sa mémoire c’était sa mère, et elle vient de la perdre – la mère, le jardin, la maison. Elle vient de vider la maison dans le chagrin et la colère.
Heureusement, il y a les copains, qui la baladent du chagrin au rire, et c’est toujours le rire qui la sauve. Alors, armée du récit maternel, des photos d’époque et de ses trous de mémoire, elle s’attaque au puzzle, elle reconstruit la vie de sa mère et la sienne, quitte à les trafiquer – peu importe, une vérité mouvante et floue arrive à surnager. Et maintenant, elle aime sa mère.
Avec Aucun souvenir de Césarée, Marie-Ange Guillaume signe un texte poignant où, au-delà de l’humour et de la colère, affleure une tendresse immense. Une adresse à sa mère, à toutes les mères, qui touche le lecteur en plein cœur.
Vidéo MOLLAT
Ca Tourne

Livre de Christian Prigent
Ces « carnets de régie » contiennent des extraits des notes de Grand-mère Quéquette, Demain je meurs et de Météo des plages. Ils permettent d’approcher la fabrique des textes par « plans de découpages, apartés pensifs, faits-divers pour rire, catalogues d’outils, listes de commissions, souvenirs en vrac, registre des progrès, geinte quand ça patauge, post-it et pense-bête, NB pour mémoire, docs à tout hasard, croquis de casting, élément des scripts, relevés de sites, réglages des chronos, précis de montages, théories furtives, phrases pour déclencher, phrasés embrayeurs, départs avortés, premiers tours de chauffe, vroum-vroum du moteur ». Bref, tout ce qu’il convient de compiler afin que “ça tourne” enfin dans une économie sur laquelle l’auteur lève le voile… [extrait de l’article de Jean-Paul Perret paru dans lelitteraire.com, 17/06/2017 http://www.lelitteraire.com/?p=32061 ]
Les petites chaises rouges

Livre d'Edna O'Brien
Dès qu'il franchit le seuil de l'unique pub ouvert dans ce trou perdu d'Irlande, l'étranger suscite la fascination. Vladimir Dragan est originaire du Monténégro. Il entend s'établir comme guérisseur. On lui trouve un logement, un cabinet médical, et sa première cliente, une des quatre nonnes du lieu, sort de sa séance totalement régénérée. Rien d'étonnant à ce que Fidelma, très belle et mariée à un homme bien plus âgé qu'elle, tombe sous le charme. L'idylle s'interrompt quand Dragan est arrêté. Recherché par toutes les polices, il a vécu à Cloonoila sous un faux nom. Inculpé pour génocide, nettoyage ethnique, massacres, tortures, il est emmené à La Haye, où il rendra compte de ses crimes. Le titre choisi par Edna O'Brien s'éclaire alors, ainsi que l'introduction rappelant que 11 541 petites chaises rouges avaient été installées à Sarajevo en 2012 pour commémorer la mémoire des victimes du siège. Le vrai sujet de cet extraordinaire roman n'est pourtant pas la guerre civile de Bosnie, ni la figure de Radovan Karadzic, dont il s'inspire. Avec une infinie tendresse et une infinie compassion, la grande romancière irlandaise se penche sur le destin d'une femme ordinaire, que sa naïveté a rendue audacieuse, et dont l'existence a été ravagée pour avoir vécu, sans savoir à qui elle avait affaire, une brève histoire d'amour avec l'un des monstres les plus sanguinaires du XXe siècle. Après l'arrestation de Vlad, il est impossible pour Fidelma de rester en Irlande. Réfugiée à Londres, dans le monde souterrain des laissés-pour-compte, elle vit de petits boulots, hantée par une honte indépassable, et par la terreur. La prose d'Edna O'Brien est éblouissante : comme dans la vie, passant de la romance à l'horreur, d'un lyrisme tremblé au réalisme le plus cru, de la beauté au sentiment d'effroi le plus profond, elle nous donne, avec ce roman de la culpabilité et de la déchéance d'une femme, son absolu chef-d’œuvre.
Tout cela

Livre de Marie-Claire Mir
« C'est un silence qui désespère la parole. Ou bien son silence est une sorte de machine de guerre, ou bien sa langue n'a pas de mots pour me parler, à moi. Peut-être s'agit-il d'un amour qui ne sait pas se dire. Peut-être s'agit-il simplement d'une sorte de paresse de son âme à dire l'indicible. » Affronter le silence des siens, refuser de fuir et de ne pas comprendre. Remuer le passé et lui faire face, à défaut de pouvoir interroger ceux qui en détiennent les clés. Essayer coûte que coûte de lever le voile, ne serait-ce que par bribes, pour donner un sens à Tout cela. En quête de réponses, l'auteur progresse dans la construction d'une vérité plausible en s'appuyant sur des recherches, mais aussi en formulant des hypothèses qui l'amènent aux confins de la fiction, avec les risques que cela comporte. C'est un véritable travail d'écriture, un récit qui marquera le lecteur par sa pudeur et sa sincérité désarmante.
Dans quelle langue est-ce que je rêve ?

Livre d' Elena Lappin
Il y a 15 ans, un soir de février, Elena Lappin, qui vit à Londres avec son mari et ses enfants, reçoit un étrange coup de téléphone en provenance de Moscou : un homme qui prétend être son oncle lui révèle que son père " officiel " n'est pas son vrai père. C'est le début d'une incroyable enquête qui, de la Russie à la Tchécoslovaquie, de l'Allemagne à Israël, jusqu'au Canada et aux U.S.A., la conduit à repenser complètement son histoire. Celle d'une famille de Juifs émigrés, où l'on parle 5 langues, qui représentent, à leur manière, un moment de la mémoire de l'Europe.
Dans quelle langue est-ce que je rêve ? résonne comme l'interrogation principale de ce texte. Par-delà le déracinement, les bouleversements politiques et culturels, les ruptures personnelles, comment définir la langue de ses rêves ? Car découvrir sa langue, c'est aussi découvrir qui l'on est.
Vie d'une Pied-noir avec un indigène

Titre complet : Vie d'une Pied-noir avec un Indigène - Carnets d'Algérie 1919-1962 - Mourir chambre 58
Livre de Jean-Philippe Nottelet
Comme l’a écrit Albert Camus dans Noces – dont l’héroïne de ces pages évoque cette grande figure d’humanité dans un de ses échanges épistolaires avec Paulette Roblès – «Comment faire comprendre pourtant que ces images de la mort ne se séparent jamais de la vie ?»
Mais tel que le dénonce son fils Jean-Philippe : la vie ou la fin de vie ne peut admettre, tolérer, banaliser ni l’injustice et ni l’incurie de quelques médecins passant aux pertes et profits dans la morgue de leur statut, les volontés écrites de la malade Gisèle Nottelet. L’ignominie de sa souffrance nous devient insupportable et ces enfants accourus pour la soutenir, l’aider de leur amour nous brisent encore plus l’âme sur notre vérité d’humanité. Ce livre nous fait découvrir cruellement la fin de parcours de Gisèle mais aussi sa naissance, son enfance, son adolescence au sein d’une famille pauvre dans une Algérie colonialiste. Nous vivons grâce à son journal que son fils nous fait appréhender dans cet ouvrage, sa rencontre, son amour et sa volonté d’unir sa vie avec un Indigène. Cet Indigène fils d’une famille d’élite kabyle catholique dont le grand-père fut un avocat et homme politique incontournable dans les premières années de la tragédie algérienne. Et son époux Salah, Henri, cet Indigène mort d’un crime jamais jugé.
Il faut lire la passionnante histoire de cette Pied-noir, rare européenne à choisir d’épouser un Indigène et qui nous offrira malgré la bêtise cruelle, une histoire d’un romantisme et d’un romanesque à imiter.
Des Hommes

Livre de Laurent Mauvignier
Ils ont été appelés en Algérie au moment des " événements ", en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois, il suffit de presque rien, d'une journée d'anniversaire en hiver, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que, quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Viva

Livre de Patrick Deville
En brefs chapitres qui fourmillent d’anecdotes, de faits historiques et de rencontres ou de coïncidences, Patrick Deville peint la fresque de l’extraordinaire bouillonnement révolutionnaire dont le Mexique et quelques-unes de ses villes (la capitale, mais aussi Tampico ou Cuernavaca) seront le chaudron dans les années 1920 et surtout 1930.
Les deux figures majeures du roman sont Trotsky, qui poursuit là-bas sa longue fuite et y organise la riposte aux procès de Moscou tout en fondant la IVe Internationale, et Malcolm Lowry, qui ébranle l’univers littéraire avec son vertigineux Au-dessous du volcan. Le second admire le premier : une révolution politique et mondiale, ça impressionne, forcément. Mais Trotsky est lui aussi un grand écrivain, qui aurait pu transformer le monde des lettres si une mission plus vaste ne l’avait pas requis. L’un finit assassiné d’un coup de piolet dans la tête, tandis que le héros de l’autre est abattu par les balles fascistes avant d’être jeté au fond d’une décharge…
On croise aussi Frida Khalo, Diego Rivera (et l’autre peintre muraliste Siqueiros, stalinien convaincu et auteur de la première tentative d’assassinat de Trotsky), Tina Modotti, l’énigmatique B. Traven aux innombrables identités, ou encore Antonin Artaud en quête des Tarahumaras et André Breton.
Une sorte de formidable danse macabre où le génie conduit chacun à son tombeau. C’est tellement mieux que de renoncer à ses rêves.
Tous

Livre de Grégoire Polet
« C’est vrai que je l’ai payé cher. Une jambe et un bras, tout de même. Et puis, plus beaucoup de temps à vivre. Mais : on y est. Le renouveau politique de l’Europe, ça y est, le mouvement est lancé. La VIe République, la fédération d’un noyau dur dans l’Union, c'est en route. Ça n’a l’air de rien, maintenant que c’est fait. Mais qui aurait parié un kopeck là-dessus il y a à peine cinq ans ? »
Le roman met en scène, de façon réaliste et ironique à la fois, l’irrésistible ascension de TOUS, un mouvement de démocratie directe en France et en Europe, à travers les yeux d’une jeune activiste belge, d’un vieux diplomate grec et d’un citoyen polonais.
C’est le roman des chemins qu’on n’a pas pris, le roman d’une génération qui a emprunté les voies de la politique pour reprendre goût à l’avenir.
C’est le roman d’une réalité qui n’a pas eu lieu. Pas encore.
UNE JEUNE FILLE RACONTE... Carnet de guerre 1939-1945

Livre de Jacqueline Chebrou
De 1939 à 1945, lors de ses pérégrinations entre la Normandie et la Touraine, une jeune fille tient son petit carnet de guerre. A l'âge de 16 ans, elle consigne en quelques pages l'invasion, l'exode, l'occupation, le débarquement et la libération. Aujourd'hui, à 92 ans, Jacqueline Chebrou propose son récit aux lecteurs. Quelques notes précisant le vocabulaire de l'époque, une réflexion sur les récits de guerre et plusieurs souvenirs, viennent compléter ce petit carnet non retouché.
lire le portrait de l'auteure par Catherine Soudé |