L'Affaire Pelicot


Quatre mois d’audience, cinquante et un accusés, autant de condamnations pour plus de deux cents viols organisés par Dominique Pelicot pendant plus de dix ans sur son épouse Gisèle, droguée et endormie. Le procès des viols de Mazan, qui s’est tenu à la cour criminelle du Vaucluse (Avignon) de septembre à décembre 2024, ce sont ces chiffres insensés. Et beaucoup de mots : des centaines d’articles, de comptes rendus, d’éditoriaux, de commentaires.

Ont suivi déjà de nombreux livres.

En voici cinq, tous écrits par des femmes.


Violences sexuelles : quand la justice maltraite


Carine Durrieu Diebolt


L’affaire Pelicot a été comme un lanceur d’alerte sur la victimisation secondaire des victimes de violences sexuelles. On se remémore les mots de Gisèle Pelicot à propos de l’allégation d’une complicité avec son ex-mari : «J’ai l’impression que la coupable c’est moi et que derrière moi les 50 sont victimes».
Le traitement judiciaire des violences sexuelles est actuellement, plus que pour d’autres infractions, maltraitant pour des victimes déjà fragilisées. C’est la double peine : elles ont vécu des violences sexuelles et elles vivent encore des violences judiciaires au-delà de ce qui est nécessaire. Interrogée par le quotidien Sud-Ouest, ­Carine Durrieu Diebolt – qui défend entre autres des plaignantes contre Gérard Depardieu – souligne que cette «victimisation secondaire» intervient dans «toutes les affaires», soit du fait de l’avocat de la défense, soit du fait des «acteurs de la justice».
C’est la quête d’une conciliation entre les droits de la défense et la protection des victimes, qui a motivé sa démarche de présenter la maltraitance judiciaire des victimes de violences sexuelles à travers quatre affaires, dans une vision prospective. C’est la première fois qu’une avocate écrit sur le sujet. Le sujet est d’actualité.

Si l’affaire Pelicot a mis en lumière la victimisation secondaire, on attend aussi des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme qui risque de condamner la France pour victimisation secondaire.




Préfaces du livre publiées par le site

Entreleslignes

Entrelesmots


Procès Mazan - Une résistance à dire le viol


Mathilde Levesque


Contournement des faits, minimisation de leur gravité, création de vérités alternatives : les propos tenus au procès des viols de Mazan ont pu ressembler à un exercice d'esquive. Un enjeu majeur des audiences aura été, pendant trois mois, de retrouver le contact avec le réel.
En analysant les discours des différentes parties, Mathilde Levesque met en lumière notre difficulté collective à nommer et donc reconnaître les violences sexistes et sexuelles.



Vivre avec les hommes - Réflexions sur le procès Pelicot


Manon Garcia


« Je suis philosophe, je m’intéresse aux rapports entre les femmes et les hommes : après un premier livre sur la soumission des femmes aux hommes, j’ai écrit un ouvrage sur le consentement et les injustices de genre dans la sexualité hétérosexuelle. Je suis aussi une femme de bientôt  quarante ans, qui voudrait pouvoir exister dans le monde sans s’inquiéter sans cesse des violences sexistes et sexuelles dont mes amies, mes filles ou moi pourrions être victimes.
J’ai vu les changements apportés par le mouvement #MeToo, je vois le backlash masculiniste qui s’efforce de renvoyer les femmes à leur position de deuxième sexe. Lorsque je découvre les crimes commis sur Gisèle Pelicot, je sais que se condensent dans cette histoire toutes les questions philosophiques qui sont les miennes. J’hésite à aller au procès de Mazan. Puis je me rends à l’évidence : il me faut écrire ce procès et l’expérience que j’en fais, comme philosophe et comme femme. Et tenter de répondre à cette question qui me hante : peut-on vivre avec les hommes ? »



Ecrire Mazan


Elise Costa


Le 2 novembre 2020, Gisèle Pélicot voit les ténèbres s’abattre sur elle. Elle apprend que son mari est accusé de l’avoir droguée pour la faire violer par des dizaines d’inconnus dans leur maison de Mazan. Quatre ans plus tard s’ouvre le procès dit « des viols de Mazan ». Durant quatre mois, 51 hommes y sont jugés pour viols aggravés.

Écrire Mazan raconte ce procès historique et son hors-champ. Plus de 165 médias se sont accrédités auprès du tribunal judiciaire d’Avignon. Tous les détails de cette affaire ont parcouru les chaînes d’information et les journaux. Comment raconter ces faits ? Comment écrire la complexité des débats et des rapports humains ?

Après Les Nuits que l’on choisit, la chroniqueuse judiciaire Élise Costa ouvre son carnet d’observation et montre la mécanique du récit en regard de ses articles aussi publiés sur Slate.fr.



La Chair des autres


Anne Berest


« Trouver la bonne distance est une question qui vous obsède quand vous écrivez. Mais quand vous écrivez sur une tragédie réelle et non fictionnelle, advenue à d’autres, cette réflexion vous harcèle. Rien ne peut être parfaitement honnête, ni le proche ni le lointain.

Pour se donner le droit de parler de l’autre, la politesse serait de dévoiler d’où l’on parle. De faire corps, sans s’effacer. »

Depuis toujours, Claire Berest ausculte le point de bascule de nos vies, que ce soit dans l’espace du couple ou dans l’espace social. En 2024, elle a suivi les audiences du procès des viols de Mazan pour Paris Match.

De cette expérience et de son obsession du fait divers, dans un subtil jeu de miroir entre introspection et enquête, elle signe un récit fascinant sur les coulisses du mal et sur une femme devenue l’emblème du combat féministe.




France Culture

Le Procès Mazan : que peut la littérature ?